Afifa BERERHI
Université d'Alger

Territoire perdu,
territoire réinventé

Introduction

A partir du thème générique de l'immigration s'est construit un vaste paradigme ouvert aux discours de l'exil, de l'étrangeté, de l'absence... Autant de paroles sur "l'état perdu" du sujet, le noeud gordien de ce questionnement étant le positionnement de soi. Face à l'angoisse existentielle et avec le progrès de la diffusion des fondements de l'humanisme et des principes de démocratie, la question ontologique est appréhendée dans le sens de l'universalité, ouvrant la voie (x) au (du) cosmopolitisme. Dès lors, la littérature est pensée et perçue en termes de métissage, de croisement, d'hybridation... qui ébranlent le mythe de la pureté. C'est là une vertu des littératures hors- frontières.

Aujourd'hui, nous nous trouvons réunis pour débattre précisément de ces littératures qui portent toujours la désignation de littératures de l'immigration. Le mot est là, renvoyant à une problématique spatiale sous-tendue par un rapport de différenciation si ce n'est d'opposition du même et de l'autre. Alors, ce mot n'accompagne-t-il pas une résurgence du sentiment conservateur ?

Mais une telle dénomination, aujourd'hui, ne proposerait-elle pas, pour le moins, de repenser l'interculturel ? Il y a peut-être lieu de se demander si, éventuellement, le mot "immigration" n'est pas à entendre dans une nouvelle acception, centrée autour de modèles de pensées philosophiques autres.

Cette double préoccupation trouve son écho – mais sans exclusive – dans la littérature maghrébine qui reste classée parmi les littératures de l'immigration –au sens traditionnel du terme – alors même que ses écrivains sont reconnus pour être les fils d'Hermès. Le paradoxe est là, dans ce lieu-temps de l'entre-deux. Comment lire ce paradoxe ? Comment le surmonter ?

L'exil et après ?

Depuis les années 70 notamment, le roman maghrébin, de quelque manière qu'il soit dans sa forme et/ou son contenu, se définit par rapport à une mythologie de l'interculturel et de la polyphonie qu'il a profondément intériorisée et qu'il lui fallait par ailleurs entretenir à la fois pour répondre a contrario à l'effet dominant de la culture étrangère et en vue d'une reconnaissance sur la scène internationale.

Historiquement, le roman maghrébin devait nécessairement s'inscrire dans un ordre démocratique rendant incontournable la prise en charge de l'interculturel. Et, de fait, l'écrivain maghrébin inscrit son destin scriptural dans la transhumance, dans l'exil. Il y voit sa perte et sa gloire et du lieu d'entre la pause et la mouvance qu'il occupe s'épanouissent des expériences de créativité.

Pour n'évoquer que nos contemporains, il n'y a qu'à se pencher sur les textes de Khatibi, Farès ou Meddeb, pour se rendre compte que leur poétique les situe aux portes de l'universel si ce n'est en son coeur. Pour ces écrivains de l'errance, la littérature est la seule patrie et l'exil une chance illuminante quoique fugace.

Mais la position du dedans/dehors, si riche soit elle, risque d'être érodée par le temps et peut, parfois, induire une stérilité que l'on peut déceler dans le fait qu'un certain roman maghrébin a entamé depuis une décennie le cycle de la répétition. Dans d'autre cas elle sert des projets de théorisation et vise alors d'autres fins, devenant expression de l'interculturel. Enfin il y a lieu de souligner que l'expression maghrébine de l'interculturel, si elle est heureuse pour certains, pour d'autres, prend un ton romantique à force de piétinements dans le désenchantement de soi et le sentiment d'étrangeté vécu dans l'angoisse. Enfin, on constate que le désir d'accéder à la modernité sans renoncer aux valeurs ancestrales favorise l'ubiquité culturelle.

Si le syncrétisme reste la tentation forte et la "transvaluation" l'idéal à atteindre, il apparaît nécessaire que la littérature maghrébine, désormais forte de l'expérience de l'exil, puisse emprunter le chemin du retour porteur des signes de l'évolution culturelle. Car, c'est vraisemblablement dans le parcours de l'ailleurs vers l'ici que sera résolu le paradoxe de l'exil.

Or, pour le moment et sauf exception, si la répudiation du père haïssable est chose faite, il reste que sa place reste vide. Et c'est là un piège, car à défaut de le réinventer dans une nouvelle stature dépourvue d'étrangeté, la littérature maghrébine s'est précipitée dans le laboratoire du cosmopolitisme ; elle ne s'est pas donnée le temps et les moyens de retisser le burnous ancestral pour pouvoir le mettre sur le marché de l'interculturel. L'impasse est là. Comment à partir d'un lieu vide peut se construire la parole de l'échange ? Dans ce lieu vide, l'interculturel relèverait du fétichisme.

Cet état des lieux, faut-il le préciser, n'a rien de manichéen. Contrairement à ce que fait Meddeb qui, sans nuance ni réserve, entreprend de culpabiliser l'intellectuel maghrébin, en général, en ciblant tout particulièrement les intellectuels algériens dans la conjoncture actuelle qui les désigne à bien des vindictes[1]. A Meddeb qui rattache la crise algérienne aux méfaits d'une mémoire collective amnésique, je voudrais répondre très rapidement en quatre points :

- Le travail sur la mémoire, si on en juge uniquement par l'expression littéraire, a été, en Algérie, une préoccupation constante. En effet, qui pourrait soutenir le contraire face aux oeuvres de Jean Amrouche, de Mammeri, de Kateb, de Fares, de Boudjedra... Et c'est bien cette mémoire en signes et en traces qui se fixe également sur les toiles d'Issiakhem, Khadda, Benanteur, Martinez et bien d'autres.

- Cependant ce travail culturel, surtout lorsqu'il s'agit de la réappropriation et de la sauvegarde de la mémoire, n'échappe pour ainsi dire jamais à l'emprise dominante de l'idéologique. C'est là que la disjonction se produit, que le hiatus génère ses contradictions et installe l'absurde puisqu'aussi bien, comme le soulignait Camus, "l'absurde ne serait ni dans l'homme ni dans le monde mais dans leur présence antinomique, dans leur rapport d'étrangeté." Et, dans le cas qui nous occupe, l'absurde ne résulte-t-il pas, en fait, de l'impossibilité d'institutionnaliser la réalité plurielle de l'Algérie ?

- Cette réalité, propre à l'Algérie, est incontestablement complexe car, l'histoire, constamment détournée dans ce pays, installe des contradictions fortes, induisant la parcellarisation de la mémoire devenue insaisissable dans sa totalité, perçue, le plus souvent, d'une manière tronquée.

- Enfin il faut aussi compter avec le fait que les intellectuels se sont, en grand nombre, reterritorialisés au lendemain de l'indépendance dans le marxisme comme pour tenter de surmonter, sans les nier, les disparités d'une nation.

Cette énumération vise à dire que le vide évoqué ci-dessus a été objectivement imposé par l'Histoire et que lui accorder une portée moralisante ne permet pas d'expliquer le phénomène. Il reste donc à appréhender désormais ce lieu vide dans une visée épistémologique. Dans cette perspective se dessinent, à mon sens, deux attitudes possibles ; l'une phénoménologique, l'autre métaphysique que je voudrais exposer par référence respectivement au dernier roman de T. Djaout, L'invention du désert et à celui de Rollan Doukhan, Béréchit. Deux titres qui donnent à lire la divergence de position de deux sujets vivant tous deux dans un non-lieu.

"Béréchit" est un mot de la Tohra qui veut dire "le commencement" et qui signifie aussi dans la Genèse "l'origine". Le projet de l'écrivain est ainsi inscrit sans ambiguïté : l'itinéraire romanesque, qui dure le temps d'une séance d'analyse, figure une remontée vers soi par un geste de l'inconscient saisissant la "Néchama" c'est à dire l'âme, la mémoire collective qui est l'essence de l'existence. L'invention du désert convoque au contraire le vide par le déploiement d'une écriture de la désertification comme pour apporter la preuve que, comme l'affirme l'auteur : "l'identité n'est pas donnée, n'est pas façonnée par le passé, elle est une création personnelle.".

Voyons donc comment se vit, ici et là, la relation à l'exil et comment le lieu vide peut, éventuellement, échapper à l'absurde.

Le point zéro et la renaissance

De Djaout je voudrais retenir deux passages qui me semblent résumer très clairement son point de vue.

"Être immigré, ce n'est pas vivre dans un pays qui n'est pas le sien, c'est vivre dans un non-lieu, c'est vivre hors des territoires."

"On se donne l'illusion de revivre en entreprenant des voyages à rebours, mais on ne fait en vérité que rendre sa mort plus imminente."

Le non-lieu, pour Djaout, c'est l'absence du père, la perte de la Référence. Il est une dette à recouvrer pour la reconstruction identitaire mais c'est aussi un leurre. Car vouloir ressusciter le nom-du-père c'est se prêter à l'expérience de la mort. C'est ce à quoi se livre, à sa façon, l'auteur, en recourant à la métaphore du désert, suggérant à la fois et paradoxalement le vide et la plénitude, la mort et la vie, en somme l'ambiguïté même de l'être :

Nous ne savions si nous étions foetus ou cadavre, s'il nous fallait langes ou catafalques, si nous étions à élever ou à ensevelir.

Dans cette incertitude, l'énigme identitaire se résout dans l'espace de liberté, celui où se noue la relation du corps au cosmos, le corps étant ce "lieu de l'épreuve où le temps, l'espace et les mots viennent tester leur réalité.".

Mais, auparavant, le voyage est entrepris sous prétexte de recherche du territoire à habiter, recherche du lieu d'inscription du nom ; c'est que la réappropriation de l'identité semble passer par la réappropriation de l'espace parce que "toute l'histoire de la contrée est une histoire d'arpentage" écrit Djaout et le proverbe arabe de le confirmer : "le passé n'est pas derrière nous, il est sous nos pas".

Dès lors, le texte se construit autour d'une succession de migrations spatiales, de déambulations sur les terres d'ici et d'ailleurs. Errances comme tentative de reconstruction de la mémoire pour échapper au non-lieu.

Le voyage, déjà annoncé dans l'exergue rimbaldien qui ouvre le roman de Djaout, n'est ni celui des mystiques ni celui que construit l'exotisme romantique. Il est d'ordre phénoménologique et pose le regard comme herméneutique du nom à révéler mais surtout comme expérience poétique, mettant à l'épreuve une écriture qui transforme le corps en "foyer du verbe".

Voyage donc. Dans les "villes froides" d'abord, celles d'où part l'appel à la désertion du bercail et qui s'avèrent faux lieux de délivrance, piégés. Puis, sur les traces de Gide et de Rimbaud, d'Hölderlin aussi ; en poète-pisteur, le narrateur foule l'erg et le reg du "Géant rouge", des déserts arabique et persique. Le désert en son silence et sa nudité mais de "beauté écorchante" contraste avec la densité poétique qui jaillit des descriptions où la distance optique s'anéantit. Le poète, pénétré du naufrage cosmogonique, gagne l'extase :

Le désert m'habite et m'illumine depuis des temps indéterminés.

Un fanal éclôt dans ma poitrine et demande à être sans cesse alimenté au contact de la pierre nue, du sable altéré.

Mythogénèse. Il fallait que le désert y soit comme effacement du signe et de la trace pour que l'univers renaisse aux dimensions sensitives de l'écriture, alors même que dans l'antre des sables, le passé millénaire est irrémédiablement englouti : "Lieu amnésique de parcours de bergers où les chèvres vont brouter les dernières tiges de légende". Car, "aussi profond que l'on descende il n'y a que sable sur sable, roche sur roche entassées. Aussi loin que l'on regarde, aussi haut, aussi profond, il n'y a que force anéantissante". Et "La roche polie et vernie dit le repos de la mort, l'immobilité définitive – l'accomplissement d'une métamorphose radicale". La métaphore du désert, par sa force anéantissante, renvoie l'image du sujet orphelin d'histoire, mutilé de culture, privé de spiritualité, coupé de généalogie ; sujet asséché jusqu'à devenir pierre parmi les pierres.

Le voyage voulu comme quête ontologique, comme invention de la patrie, s'est transformé en entreprise archéologique ; c'est à dire en "visitation de la mort" en tant qu'unique consentement du désert en sa "tragédie de fossoyeur". Si, de ce point de vue le voyage s'avère un échec – voulu – c'est pour faire du périple migrateur un prétexte à la reconquête de l'espace corporel par la remontée du "fleuve de l'enfance", seul lieu où puise se réaliser la présence à soi et au monde. C'est le lieu du territoire réinventé.

Écrire l'Histoire était un leurre : l'Histoire des Almoravides a été impossible à fixer dans la trame narrative, celle des Almohades occupe, quant à elle, l'espace de l'italique, comme une parenthèse ou une marge du texte tout en étant soumise à l'action décapante de la dérision. Écrire l'histoire (ou tenter de le faire) apparaît comme un subterfuge pour affirmer que la seule identité est celle que le corps désirant procure. Être et pouvoir dire sa chair et sa sensibilité. Hormis l'espace du corps tout territoire est territoire d'exil.

En phases successives s'opère la régression vers l'enfance, lieu de fébrilité des sens jusqu'à l'ivresse. Dans cette immersion, le monde renaît, se colore, vibre de mouvements et de sons, s'illumine. Le roman bascule dans une longue analepse où se dit un rapport quasi magique, charnel et païen entretenu avec la nature, au prolongement de quoi la narration s'ouvre sur un bonheur simple, à vivre à la manière rousseauiste : "J'aurais une belle maison...le matin il faudrait se lever tôt... j'aurais de la lumière... les aubes seraient belles... le travail ne me pèserait plus... le soir je retrouverais ma chambre... il y ferait doux... le café chanterait...". Pénétration dans la nature par la volupté des sens au pouvoir métamorphosant : "Je suis le peuplier assailli... Je suis la bête soumise, je suis la jeune feuille bruissante, je suis la vieille feuille qui se décompose... Je suis tout simplement une zébrure... Je suis l'oiseau tôt levé pour assister à la Genèse qui chaque aube refait le monde.". C'est là un choix d'existence que de "déployer les virtualités du verbe être, de tenir la place de ce verbe" (J.P. Tafforeau : Heidegger).

La rupture avec le monde de la civilisation et de la culture est proclamée à la faveur de la geste naturaliste dans un monde païen. Le narrateur, tel le poète profane, se substitue à Dieu : "L'oiseau... C'est le maître navigateur... maître tisserand et géomètre... ordonnateur des formes et des architectures célestes... maître du mouvement... c'est l'horloge du monde, le régulateur des couleurs et des intempérances terrestres... l'oiseau est le maître des sabliers.".

Le souvenir d'enfance est un lieu de pureté chimérique où se ravive et se consume l'écriture. Le souvenir et la lettre qui l'inscrit s'avèrent les seuls refuges... pourtant fallacieux. "...Solutions fallacieuses... l'écriture en est une". Ils sont l'ultime affirmation de soi, renaissant sur la scène scripturale : "Comment vêtir l'absence autrement que par les mots".

Rebaliser par l'écrit des trajectoires vouées à être blanches.

Un champ de ruines qu'il faut relever par le rêve et l'utopie de l'écriture.

La surface blanche de la page est l'unique espace où la reconstruction du sujet se réalise, lisible dans le programme de pronominalisation qui rend compte du processus du passage du sujet étranger à lui même à l'étape de reconnaissance de soi mais projetée sur un autre, son double :

Je vais voir ma fille (...) elle est la dépositaire de mes rêves et de ma sensibilité découvreuse. C'est elle qui me prolongera dans les joies et les déconvenues de la chair interrogeante. C'est mon unique consolation.

Transposition dans un "après" comme promesse d'espoir, mais aussi, sans doute, aveu d'impuissance à surmonter la blessure de vivre le présent dans un non-lieu.

Dans le parcours narratif de l'Invention du désert se dessine un double mouvement, fossoyeur d'Histoire et générateur de poéticité. Le projet de renaissance par l'écriture se fait au prix du meurtre de la mémoire : "Créer des morts conscientes (c'est) entrer sans joie dans l'accomplissement conscient des images exaltantes d'un monde à jamais perdu." (Camus, Noces, p. 28). Le décret d'amnésie est salvateur en ce qu'il est une libération vis à vis d'une redevance dont on ne s'acquitte jamais. Il est une "mort heureuse" aux portes du territoire de l'être à soi et au monde. La fin d'exil réside dans ce choix et le lieu vide reçoit son plein de la lettre inventive.

La mémoire, droit et devoir

Dans le roman de Rollan Doukhan c'est aussi à partir d'un lieu vide que tout "commence". C'est la mort qui fait prendre conscience de ce lieu vide : exil de la mémoire. La mort est là pour lancer des racines : une Vérité, pour conjurer l'exil et assurer un temps "d'après" le père. Le narrateur se réclame d'une tradition du continuum qui fait, par exemple, que Sarah, son épouse, soit la dernière à être morte, après l'holocauste commis par des nazis déjà tous morts. C'est dire toute la force du souvenir qui travaille l'imaginaire collectif et le maintient en éveil.

L'autobiographie romancée de l'auteur est sous-tendue par un double projet : la reconstitution de la mémoire collective dans son intégralité et surtout dans sa nécessaire transmission. C'est à ce prix que le double exil – intérieur et hors des territoires – est surmonté. Et Ruth morte, reçoit cette mémoire en héritage post mortem.

Joseph le père, par devoir, pour se rattraper, pour se racheter de ce qu'il appelle une trahison, lui restitue une généalogie. Le récit des souvenirs remplace la prière des morts et tout le passé, consigné dans ces "lettres d'Algérie", trouve une voix. La veillée mortuaire est une remontée dans le temps à la rencontre de la communauté juive de Constantine, à la rencontre de l'enfant pauvre nourri à la langue judéo arabe parce que la langue française, "les siens n'y entraient pas ou d'une manière très respectueuse, le chapeau à la main comme on entre dans une église".

Le souvenir restitue l'image du lycéen victime du numerus clausus, l'image tout simplement de ce juif d'Algérie dont le destin est détourné par le décret de naturalisation française qui l'installait malgré tout dans un double exil, lui le maghrébin dont les ancêtres andalous furent chassés par Ferdinand et Isabelle de Castille.

En déposant cette mémoire faite de mots, de bruits, d'odeurs et de goûts de tous les jours, dans l'âme de Ruth morte, Joseph Aouat ne fait que ré-enfanter la fille qu'il venait de perdre. Renaissance qu'il voulait dans la conscience de la pérennité d'une mémoire qui est quelque chose au delà du souvenir. Le narrateur précise que certaines personnes sont vides de souvenirs et ont pourtant une mémoire.

L'ouvrage de Rollan Doukhan est là pour dire la douleur d'exil ; une épreuve insurmontable si ce n'est dans la seule persévérance de la mémoire inaltérable qui traverse l'espace par delà le temps. L'auteur fait de la mémoire une valeur absolue, l'essence de l'existence.

Dire l'exil, signifier le lieu vide, Rollan Doukhan le fait avec une préoccupation métaphysique et théologique de l'être et c'est là toute la différence qui se glisse entre lui et T. Djaout ; ce dernier privilégiant une vision phénoménologique.

Ces postures philosophiques, sans présumer de leur répercussion dans un modèle de société, ce qui n'est pas le propos de la circonstance, nous permettent de sortir de la problématique étroite de l'immigration et de reconnaître à la littérature maghrébine une autre dimension. C'est peut être aussi de leur confrontation que l'interculturel gagne ses chances de réalité.



[1] Cf. entretien avec Guy Scarpetta in Règle du jeu, n°14, septembre 1994.